ㅡ Tiens ! Prend ça, grognasse ! Ouaiiii.. Avale tout. T'aimes ça, hein ?! La putain de ton oncle.

Nom d'un zizi circoncit ! Manifestement, c'est sans appel, cette apocalypse a eu raison de ton esprit. J'avais déjà réussi à exacerber cette imprévisibilité qui sommeillait en toi, mais là ça me surpasse totalement. Tu ne peux plus me prôner comme excuse, tu es juste dingue. Avec ton casque de footballeur, le eye-shield rabaissé sur tes yeux, ta doudoune remontée, ton caleçon à fleurs sur les genoux, tu es ridicule. Ton magnifique joint dans une main et ton démesuré chibre dans l'autre et cette zombie en-dessous de toi, la mâchoire grande ouverte, tu es flippant. D'ailleurs tu te le mets à bouche, histoire de finir ton affaire. Le joint, évidemment pas.. Attendez ! Qu'est-ce que vous croyez qu'il est en train de faire au juste ?

Bon ça suffit. Cesse tes gamineries, les gens vont de prendre pour un type louche. Pendant que monsieur remonte son pantalon, laissez moi vous éclairer sur la scène dont vous avez été témoin. En ce glacial début de soirée, sous un soleil couchant où la lune apparaissait déjà, mon Bob, ou Bob à l'envers, avait débarqué sur le stade de football américain. Ou plutôt l'ancien stade. Il n'était plus question d'admirer les prodigieux joueurs universitaires, ni de participer au capharnaüm collectif à chaque yard gagné, ou encore d'essayer de mater les culottes des pom pom girls. Le terrain n'était plus, à l'instar du reste de la ville, qu'un cimetière vivant. Les joueurs promis à un grand avenir déambulaient sur le terrain, leurs armures maculés de sang. Les fameuses cheerleaders, comme toujours, les accompagnaient, à un état de décomposition avancé. Il avait donc débarqué, comme je disais, se faufilant dans l'ombre jusqu'au gradin. Sa présence ici n'était pas fortuite. Depuis ces cinq semaines de survie, Bob avait été dans l'obligation de faire des réserves, non pas seulement de vivres ou de munitions comme n'importe qui, mais aussi de substances plus illicites. Dans un soucis de confort et de mobilité, il avait décidé de les dissimuler ici, sous les gradins. Mais maintenant qu'il avait vue des survivants, il ne pouvait laisser son stock à découvert.
Surpris par quelques zombies au pied des gradins, il avait distribué quelques coups de tonfa, couru un petit peu, avant d'escalader les gradins, où les morts-vivants ne semblaient pas pouvoir le suivre. Au sommet il avait repéré une de ces pompom-girls zombifiées. Il avait également prit d'une envie de pipi. Vous aurez compris la suite.

Ça y est ? Monsieur à reboutonné son pantalon ? On peut reprendre les affaires. Maintenant que tu as repris ton souffle, soulager ta vessie et ta folie, tu vas peut-être pouvoir en finir avec la demoiselle que tu as souillé un peu plus bas. Tu viens de te faire trois zombies et de terminer ton joins, t'es chaud comme la braise, autant en profiter. Tu descends les gradins lourdement, l'ancienne blonde se rut sur toi dans un gargouillis tout droit sortit de la gorge. Tu la laisses approcher plus qu'il ne faut, t'amuses avec elle, lui distribuant quelques coups avec le plat du pied. Elle s'écroule à genoux et lorsqu'elle tente de se relever tu lui ouvres le crane d'un unique coup de tonfa.

Tu lèves ton majeur en l'air avec un sourire victorieux. T'es fière de toi mon négro, tu as massacré quatre zombies à toi tout seul et ça te fait bander. Et bien ne kiff pas trop parce que l'ambiance sous les gradins va te refroidir. La première fois déjà, lorsque tu étais venu cacher ce fameux sac, ça t'avais glacé le sang. Mais après tout ce temps c'est encore pire. Des cadavres empilés, définitivement mort, définitivement odorant. Allez ! Caches moi ces grosses narines sous la doudounes et fonces au milieu de cette morgue en plein air. Tu enfonces tes bras sous les corps, tu n'oses même plus regarder ce que tu touches, te laissant guider au toucher. Cries Marco, pour voir.

Incapable de regarder cette immonde fosse dans laquelle tu avais les mains, tu y allais à tâtons. Parfois tes doigts étaient stoppés par un nouveau corps, le bras dans un buste tel un ventriloque avec sa marionnette, mais jamais ses lambeaux de chair ne t'arrêtèrent très longtemps. L'odeur qui s'en dégageait te donnait des haut-le-coeur. C'était insoutenable, mais le jeu en valait la chandelle. Bientôt tes doigts se refermèrent sur l'objet de ta convoitise. Revigoré par ta réussite, tu tiras violemment pour dégager ton sac des corps.

Pourquoi cacher un sac sous des cadavres ? Vous auriez eu l'idée de chercher ici ?
Ok c'était, du genre, tordu de choisir cette cachette, plutôt qu'une autre. Mais la paranoïa pousse toujours à faire des choses excessives. Cette même paranoïa qui provoque l'irrépréhensible besoin de vérifier que tout est toujours présent. Tu poses le sac sur la masse de corps, essuies les restes de chair comme si tu l'avais toujours fait et tires sur la fermeture éclaire. Et là, c'est le soulagement. La résurrection. Un plaisir pour tes yeux, tes narines. La dizaine de pochetons de beuh étiqueté différents noms, tous plus exotiques les un que les autres, est un régale pour ton odorat. Assez pour masquer un bref instant l'exhalaison ambiante. Dans un autre sachet, un miracle de la science, beauté pour les yeux, sublime met pour ton cerveau : quelques cailloux de crack. Avec ça, quelques pilules d'exta', deux-trois fioles de poppers et une poignée de comprimés de mescaline ; mais ça, c'est juste pour le business. Sans oublier : ta corde. Bordel, mais pourquoi une corde ?

Soudain, un chuchotement. Merde, tu n'as rien entendu venir. Preuve que ton amour pour moi auras ta peau un de ses quatre. Tu refermes ton sac de sport et te redresse dans le même mouvement et te retourne la main sur ton tonfa pointé sur un.. Ton tonfa ? Ca fait bizarre ces deux "ton" d'affilés, non ?
Je disais donc. Ton tonfa pointé sur un thon. Et de trois. Méchanceté gratuite ? Tout à fait, mais c'est tout ce qu'inspire la personne présentement devant toi. Il est rare que je déclare ceci, mais pour le coup, tu viens de croiser quelqu'un qui te fait passer pour normal. Un déguisement bleu quasi-turquoise assortis à la coupe de cheveux, au maquillage et aux yeux de ce qui semble être une demoiselle. Un excentricité qui te fais baisser la garde. Quel danger peut être ce genre de personnage ?

ㅡ Moi, c'est Bob. Vous voulez quoi ?

Trois semaines que tu n'avais pas vu un seul vivant et aujourd'hui c'est la fête. Finalement, l'humanité n'est pas perdue. Même si tu ne ressens aucune solidarité envers eux. Pire, même si tu ne laisses rien paraitre, lorsque la demoiselle soulève inconsciemment la question de ton prénom, tu coupes toutes possibilités de rapprochement. Lorsqu'elle poursuit et te propose de te joindre à leur groupe de.. deux, apparemment, il est déjà trop tard. Tu restes muré dans ton silence et elle poursuit d'elle-même, tourne les talons et fait mine de poursuivre son chemin. A première vue, cela semble une bonne idée. Ils ne sont pas en meilleur état que toi et la perspective de passer davantage de temps avec une demoiselle aux cheveux bleus, ne t'inspire pas tellement. Douce blague lorsqu'on voit ta face, mais oui. Même les cinglés peuvent être incommodé par des cinglés.

Tu te retrouves donc seul avec son copain, jusqu'ici invisible. Enfin quand je dis copain, ce n'est pas copain de heum-heum. Du moins, je l'espère pour lu.. ell.. je l'espère pour mon imagination. Disons son collègue de survie. Un petit gaillard au gabarit banal et à la face de vampire. Il s'adresse à toi, avec le même naturel que sa copine. Mais la confiance n'est pas la même, ça crevait les yeux. Qu'importe, il te demande un truc. Et on sait que ton âme est bonne et généreuse, vu que tu n'es pas roux.
Mais tu es sous drogue, sous pression et sous alimenté. Aucune place pour la gentillesse. Et de toutes les façons tu n'as rien à manger. Par contre, tu as ton sac. Et ses douceurs. Les bonnes vieilles habitudes, hein ?

ㅡ Désolé, mon gars. Moi même je crève la dalle depuis ce matin. Bordel, ce que ce monde est devenu. J'ai traversé des trucs, vous pouvez même pas imaginer.

Tu le fixes un moment guêtant sa réaction et commences à fouiller dans ton sac.

ㅡ Bien sur que vous le pouvez, pas vrai ? Tous dans la même galère, hein. Mais tu sais ce qui me manque le plus ? Les filles. Tu vois ce que je veux dire ? Une vraie go' pas ces trucs qui cherche à te croquer un morceau.

Son regard se tourne naturellement vers sa collègue. Et tu baisse le ton, juste assez pour que votre conversation n'atteigne pas la power ranger bleue.

ㅡ Noon, t'inquiète, je suis pas intéressé. Par contre toi. Je vois comment tu la regardes, c'est pas juste une connaissance, hein ? J'ai ce qu'il te faut.

Tu sors maintenant une de tes petites fioles.

ㅡ Tu connais le Poppers, un peu ? Suffit juste d'en respirer un coup et toutes les inhibitions s'envolent. Te permettant même d'atteindre des voies moins courantes. Si tu vois ce que je veux dire.

Ton index et ton pouce gauche, formant un rond, entourant ton index droit, pour accompagner ton geste à la parole. Ton discours est rodé, ça se sent. Ce que ça faisait longtemps que tu n'avais pas tchatché quelqu'un pour lui vendre quelque chose. Tu es aux anges. Tu es fais pour ça, c'est tout.

HRP: