Le soleil est encore haut dans le ciel alors que je glisse discrètement de planque en planque dans la rue. Désormais, je me sens suffisamment fort pour sortir seul. Il fut un temps où cette perspective me terrifiait, mais il est temps que je me ressaisisse. Je ne peux pas me cacher éternellement derrière une espèce de fausse réalité en niant la vérité de ce cauchemar éveillé. J'ai des responsabilités envers notre groupe et il est grand temps que je les endosse. Alors que les autres se reposent, j'ai donc décidé de faire le tour du paté de maisons dans l'espoir de retrouver quelque chose d'utile. Je sais que ce n'est pas prudent de se balader seul, mais on ne peut plus vivre sans prendre de risques. Accepter une telle fatalité est dure, mais c'est nécessaire. Et puis il y a River, le nouveau membre du groupe. Gentil et chaleureux, il apporte un peu de chaleur au groupe, mais il nous faut davantage de provisions si l'on ne veut pas manquer. Collé à un arbre alors que je guette l'entrée du bowling, une idée me traverse soudainement l'esprit. L'écorce d'un arbre est-elle comestible ? Je suis comme frappé par cette question surprenante mais pas si débile que ça. En me concentrant un peu, je me rappelle un collègue de cuisine que j'avais croisé une fois et qui m'avait expliqué qu'il s'était spécialisé là-dedans. Je m'insulte mentalement pour ne pas avoir prêté plus attention à ce qu'il m'avait raconté ce jour là, mais je me rassure en me disant qu'il est encore temps d'aller feuilletter un ouvrage sur les plantes comestibles à la bibliothèque de la ville.

En attendant, l'entrée du bowling me semble libre, alors je quitte mon arbre et je me lance. Voilà un moment que je n'ai pas poussé ces portes. J'essaye de ne pas me souvenir ma dernière sortie ici, et je reste concentré. L'immense endroit fait raisonner le moindre bruit, je dois redoubler de précaution. Je me dirige immédiatement vers le comptoir en espérant trouver quelque chose à grignoter peut-être. Mais en me faufilant, j'aperçois une silhouette. Un homme. Imposant. Assis au bord des pistes de bowling. "Qu'est ce qu'il fout là ?" Je murmure pour moi-même en fronçant les sourcils. Il n'a pas l'air de vouloir bouger. Il est même parfaitement immobile. Est-ce un zombie ? Pourquoi n'erre t-il pas comme les autres ? Est-il mordu ? Il attends peut-être juste que la mort le prenne... Et je sais que je ne devrais pas me mêler des choses qui ne me regarde pas, mais il à l'air perdu dans ses pensées, et il y a un putin de zombie qui arrive juste derrière lui. Alors... "Eh ! Fait gaffe derrière toi !" J'ai bondi hors de ma cachette. Je suis un idiot, mais ma conscience est déjà trop lourde pour ignorer un meurtre de sang froid juste sous mes yeux.

La violence avec laquelle il se retourne pour mettre le zombie à terre et lui dégommer la mâchoire m'arrache une grimace. J'hésite même un instant à la rejoindre, mais bon, je ne vais pas non plus m'enfuir en courant. Et puis sa technique m'intrigue un peu. C'est original de voir quelqu'un se défendre à coup de skate. Alors finalement, je décide de m'approcher un peu plus pour mieux le voir. C'est un grand bonhomme tatoué, joint à la bouche et sourire aux lèvres qui me répond.

J'hausse les épaules alors qu'il me remercie. Je suis un peu plus intrigué en constatant qu'il trouve la liberté de fumer un joint. C'est probablement pour ça qu'il n'a pas entendu le zombie s'approcher. Je trouve ça complètement fou, mais assez drôle aussi. C'est le premier bonhomme que je croise à être aussi décontracté depuis le début de l'épidémie. Je souris face à sa remarque. On fait tous la même. "Hey, moi c'est Alexander. Ca fait plaisir de voir qu'il y a encore des gens avec toute leur tête, comme tu dis." Je souris et jette un nouveau coup d'oeil à l'endroit avant de commenter. "Merde ce pauvre endroit a sacrément morflé avec l'apocalypse. C'est trop dommage." Et puis quitte à rencontrer un nouvel humain, autant en profiter pour discuter. Ca change les idées un peu. "Alors, tu venais faire un bowling ?" Je plaisante alors en reportant mon attention sur Jack, histoire d'en apprendre un peu plus sur cette nouvelle rencontre qui ne semble pas banale.

Le rire franc de Jack à ma petite blagounette me fait sourire à mon tour. Ca fait du bien de voir un vivant, mais encore plus un vivant qui a encore le moral. J'ai presque l'impression d'oublier l'état un peu piteux de l'endroit et de discuter avec un individu lambda dans une vie tout à fait normale. Soudain, Jack s'arrête de rire et pose un regard on ne peut plus sérieux sur moi. Je lui lance un regard interrogateur lorsqu'il me demande si je suis tenté. Qu'est ce qui me dit ? Le bowling ? Il est en train de me prendre au sérieux ou bien ? Je m'attends à ce qu'il explose à nouveau de rire d'un instant à l'autre, mais son regard sérieux persiste. Alors peu à peu, j'étire un sourire amusé sur mon visage. "C'est un peu con, mais ce serait drôle." J'avoue en souriant, intrigué par cet étrange personnage au comportement plutôt extravagant pour un survivant d'apocalypse zombie. J'en viens presque à me demander s'il ne s'agit pas là d'une nouvelle apparition de ma conscience qui a décidé de délirer complètement parce que je suis resté trop longtemps au soleil. Ou un truc du genre.

Mais en vrai je m'en contrefous. Je veux juste penser à autre chose qu'à cette putin d'apocalypse pendant une seconde. Alors je fais mine de m'étirer à la manière des grands champions, et je lui lance soudainement un regard suspicieux. "Tu te serais pas entraîné avant par hasard ? Parce que sinon c'est de la triche, je suis tout rouillé !" Je souris à nouveau, puis fait mine d'hésiter un instant devant les différentes boules pour bien choisir la gagnante. Ok ! Je te laisse choisir la piste ! Ca va faire du bruit, genre beaucoup de bruit. Et ça va forcément attirer des zombies. Pas trop j'espère. Mais dans l'hypothèse où nous arriverions à court de quilles, ça nous fera toujours des cibles au challenge un peu plus haut !

Lorsque Jack plante ses doigts dans la tête d'un zombie décédé qui traînait par là, je ne peux m'empêcher de faire la grimace. J'ai beau décapiter du zombie à coup de couteau de cuisine depuis le début de l'infection, le gore me révulse toujours autant. J'observe en silence la tête parcourir tranquillement son chemin jusqu'aux quilles, un air mi-dégouté et mi-surpris que le lancer fonctionne en réalité. Lorsque les trois quilles tombent, je ne peux m'empêcher d'afficher un petit sourire en coin. Alors que mon nouveau camarade de jeu improvise une dance de la victoire un peu étrange - et manque d'ailleurs de se ramasser -, je rigole et acquiese. "C'était inattendu. Bien joué !" Alors à mon tour je me dirige vers la piste, et comme dans le bon vieux temps, je balance la boule de la mort vers mes cibles condamnées.

[Lancer de dés pour la compétence "Corps-à-Corps" : 16+7=23 (réussite totale)]

BIM. STRIKE. Finger in the nose. En fait je suis pas si rouillé que ça. Je me retourne en prenant un air de beau gosse victoreux et ajoute en plaisantant : "Il te faut peut-être une tête plus ronde.." Mais nous n'avons pas le temps de légiférer sur la circonférence des boules de bowling que déjà un grognement se fait entendre au loin. Le bruit des quilles décanillées a brisé le silence dans un terrible fracas. "Oh.. On dirait que l'échauffement sur cible immobile touche à sa fin." Ils approchent, on peut les entendre. Tout ces monstres qui jouent avec nos vies depuis le début de l'épidémie. Sauf que aujourd'hui, c'est eux, les jouets.

Les zombies les plus proches nous on déjà remarqués. Ils s'approchent vers nous d'une démarche plus ou moins lente et je ne peux pas m'empêcher de poser inconsciemment une main sur ma lame. J'ai beau faire un truc totalement inconcient, je ne peux pas oublier les risques que j'encours à rester sur place trop longtemps. A ce rythme, c'est la ville entière qui finira par se rammener. Je hausse les épaules pour moi-même alors que Jack s'approche des boules. Si on meurt on aura peut-être au moins le mérite de servir de distraction pour libérer un peu les rues. C'est les autres survivants qui seront contents. Ils graveront peut-être une petite plaque commémorative du genre "Merci aux deux couillons qui ont joué au bowling et qui nous ont permis de nous casser loin d'ici sans trop de problème." Je souris un instant en imaginant les petites paquerettes que les survivants pourraient venir y déposer. Et puis mon esprit me met une violente gifle en me rappelant que ce serait lâchement abandonner Kaitlynn et William. Dure retour à la réalité. Je suis vraiment con parfois.

Je relève la tête lorsque Jack s'esclaffe face au résultat de son lancé. Il faut dire que malgré l'absurdité de la scène, c'est quand même un peu drôle. Et une petite partie de mon être a envie de céder au déni du danger et de s'amuser un peu. Juste un peu. Une ou deux boules, et après on se tire loin d'ici. Et puis ça ferait quelque chose de drôle à raconter à mon retour. Même si je me ferais sans doute engueuler.

Mais lorsque Jack me regarde d'un air supérieur en me lançant un défi, je ne peux m'empêcher de sourire et de lui renvoyer son regard. "Dans tes rêves !" Il ne m'en fallait pas plus pour m'approcher à nouveau du distributeur de boules et tenter une nouvelle fois ma chance. C'était assez hilarant de voir les zombies se relever sans trop comprendre ce qui leur arrivait.

[Lancé dé de réussite pour la Compétence Corps-à-Corps : 8+7 : 15. Réussite de justesse]

Secoué par un nouveau rire au moment où je lâche ma boule alors que les zombies semblent grogner des insultes à notre encontre, ma boule dévie vers la droite et heurte seulement une partie du groupe. "Ahahah et merde, ils sont rapides ces cons !" Je me redresse et en rigole. Ils sont encore suffisamment loin pour fuir. Néanmoins, je reste attentif. Ce serait vraiment idiot de se faire prendre par derrière.

Finalement Jack en vient à la même conclusion que moi. Le bowling c'est rigolo mais c'est pas une super idée selon notre instinct de survie respectif. Comme il dit, c'est pas une super idée de s'éterniser, malgré notre condition de super champions. Le bruit attire toujours plus de zombies et je commence à craindre que leur nombre ne rendre la fuite plus difficile. Alors tant qu'il est encore temps, j'acquiese et je me dirige illico presto vers la porte encore libre d'accès la plus proche.

Mais alors que je pousse la porte de la sortie en jetant un dernier regard derrière moi, Jack me fait une nouvelle propositon. Je prends un court moment pour réfléchir. Déjà, comment il sait que je connais bien la ville ? Mais bon, bien sûr que je connais bien le coin, on est dans la ville de mon restaurant quand même ! Dans ma ville quoi ! Non ce qui me fait hésiter c'est que je dévie de mon propre objectif. Et depuis quand je suis les gros inconnus baraqués pour leur venir en aide le plus gentillement du monde ? Depuis que Mary est morte ? Je soupire face à mon propre sarcasme. Ce pauvre mec a beau l'air un peu perché, il n'a pas cherché à me faire du mal. Alors comme pour me forcer de penser à autre chose qu'à accuser la terre entière pour le meutre de ma fiancée, je hausse les épaules. "Pourquoi pas. C'est pas si loin, je te dépose." Je souris alors que je n'ai clairement pas le moyen de transport pour le "déposer", mais le guider sera une bonne chose. D'ailleurs je jette un nouveau cooup d'oeil à son skate un peu ensanglanté et souris une nouvelle fois. C'est vraiment un type original, mais se déplacer en skate au fond c'est vraiment pas con. "Classe le skate en fait." Je rigole doucement et lui indique le chemin. "Roulez jeunesse !" Et nous voilà partis pour de nouvelles aventures.