Je remonte la rue les mains dans les poches en grognant un peu. Je suis peut-être un peu nul en orientation, mais j'ai perdu pas mal de temps à tourner en rond dans cette maudite ville, malgré le fait que William m'ai rapidement expliqué le chemin. Et puis c'était pas comme si je pouvais m'arrêter et demander mon chemin au premier passant du coin. Notamment parce que le premier passant du coin aurait essayé de me grignoter avant même que je n'ai le temps de dire bonjour.

Finalement, j'ai décidé de marcher tout droit sans me poser de question, quitte à camper un moment sur la même position le temps qu'un groupe de zombie trace sa route. Voilà pourquoi c'est seulement aujourd'hui que je grimpe cette foutue colline en m'éloignant enfin un peu du centre-ville. Les zombies se font un tout petit peu moins présents ici, alors je me sens plus détendu. Je prends même le loisir de faire une pause en jetant un regard au paysage. Il faut dire que ça vaut le coup d'oeil. D'ici je peux voir la ville en hauteur. Bon, on va pas se mentir, je reconnais que dalle. Mais au moins c'est joli.

Je décide d'ailleurs de profiter un instant de ce moment de paix. Je l'ai bien mérité après la marche que je viens de me taper. Et puis puisqu'il n'y a plus personne pour me hurler dans les oreilles dès que je traîne un peu derrière, j'en profite deux fois plus. Je passe par-dessus la barrière de la route pour m'assoir dessus et je laisse mon sac tomber au sol. Je soupire en remuant mes épaules libérées et décide que le moment est bien choisi pour griller une cigarette. Je sors mon paquet et en allume une en laissant mon regard se perdre sur la ville. Je déteste tellement cet endroit que j'en viens à me demander si je l'aurais aimé même sans épidémie apocalyptique. Putin de merde, j'aurais dû démissionner tant que j'en avais encore l'occasion à San Francisco, comme tout le monde arrêtait pas de me le répéter. Je souffle une longue bouffée de fumée et je secoue la tête d'un air désapprobateur. Ce que je peux être con des fois.

Mais soudain, alors que je porte tranquillement une nouvelle fois ma cigarette à mes lèvres, un bruit m'alerte dans mon dos. Je me retourne soudainement mais je ne vois rien ni personne. Est-ce que j'ai rêvé ? C'est peut-être juste un animal. Sans bouger, je fixe les buissons de l'autre côté de la route pour confirmer mon hypothèse. Je guette, j'attends d'être sûr. Au moindre danger, je suis prêt à m'emparer de mon fusil, juste à côté de moi. Mais putin, ça me ferait chier qu'on vienne me prendre la tête en plein milieu d'une de mes précieuses cigarettes.
   

La clope au bec, je fais des yeux ronds en voyant un pauvre gus surgir soudainement des buissons. Il a l'air grand et fort, et il court tout droit vers moi. Je panique un instant et je me prépare à lui tirer dessus, mais dès qu'il me voit il m'appelle au secours. Je remarque alors qu'il tient une chaussure dans chaque main, qu'il se tape un sprint pieds nus, et que de derrière lui surgit un zombie plutôt remuant. Mes yeux s'agrandissent encore et je m'écarte alors qu'il jette son sac par dessus la barrière sur laquelle j'étais assis il y a quelques instants.

Je n'ai pas le temps de dire ouf ou merde que l'homme a déjà tiré un couteau. Merde, je ne sais plus qui viser. Putin ça va pas la tête de surgir comme ça et de mettre le bordel aussi brusquement. Mais le gros gaillard ne semble pas décidé à se jeter sur moi, mais plutôt sur le zombie. Il lui met cher, d'un coup dans le crâne. Bim. Ca me rappelle brièvement William dans l'église. On dirait que tous les survivants ont développé les mêmes aptitudes pour le transperçage de boîte crânienne. Finalement, l'homme vérifie d'un coup de pied si la bête et bien morte, et n'obtenant aucune réponse, il revient vers moi en me lançant son plus beau des sourires. What da fuck dude ?! Je fronce les sourcils comme si je ne comprenais pas. L'inconnu fait comme si de rien n'était et se présente tranquillement avant d'aller récupérer ses affaires.

Alors finalement je baisse mon fusil à mon tour, et je ne peux pas m'empêcher de rigoler lorsque le dit River finit par s'excuser. "Ahah, c'est pas grave, met toi à l'aise." Je ris une nouvelle fois comme si je venais de l'inviter chez moi, avant de tirer une nouvelle fois sur ma cigarette pour calmer mon pauvre petit coeur affolé. "Et moi c'est Joshua, au fait. Enchanté aussi." Je lui lance un regard amusé et un peu intrigué, tout en lui tendant une main. Une fois la surprise passée, c'est la curiosité qui prend le dessus. "Faut pas surgir comme ça de nul part tu sais, c'est dangereux !" Je lui fait la morale en riant à moitié, mais j'ai quand même failli lui mettre un coup de fusil à pompe... ! "Et ça t'arrives souvent de faire des courses pieds nus avec ces putins de zombies ou c'est ta première fois ?" Je l'interroge sur un ton un peu moqueur, mais il faut avouer que ça n'est pas banal. On aurait presque dit un touriste qui fuit un gros chien sur une plage de San Francisco. Et la vision m'arrache un nouveau sourire.

Un sourire amusé s'étire sur mon visage alors qu'il m'assure qu'il s'entraîne quotidiennement pour soigner son entrée. Je ris doucement en confirmant "Et ben je dirais que c'est pas loin de la perfection !" Je ris en me moquant doucement et je hoche la tête lorsqu'il me remercie de l'avoir épargner. "Avec plaisir, ahah !" Ca me fait rire mais surtout ça me surprend de croiser un mec aussi avenant au milieu de nul part. D'habitude les gens fuient voire me jettent des pierres en voyant que je porte l'uniforme de l'armée. River est leur exact opposé, plus il parle et plus mon sourire s'étire. Sans déconner, il sort d'où ce mec ? Il en faut plus des gens comme lui dans cette ville maudite !!

Je tombe définitivement amoureux lorsqu'il se met à chantonner une chanson d'Aerosmith, comme ça, sans raison, juste parce qu'il a envie. Ok, soit il a complètement pété les plombs, soit c'est la personne la plus cool qu'il m'ait été donné de croiser au cours de cette apocalypse de malheur ! Je ne peux pas m'empêcher de rire doucement et de l'accompagner un court instant. C'est qu'il chante bien ce con en plus ! Et puis finalement, vient l'incontournable question que pose tout survivant qui se respecte au cours d'une première rencontre. J'ai presque l'impression de me répéter trop souvent à force. Je vous jure, je vais bientôt distribuer des CV si ça continue ! Je tire une nouvelle bouffée de fumée avant d'hausser les épaules. "Je profite de la vue, comme tout bon touriste qui se respecte dans le coin, non ?" Je lui lance un sourire comme si je venais d'énoncer une évidence. C'est vrai que je ne suis pas tout à fait en short et tongues, avec un chapeau de paille vissé sur la tronche. Et puis j'oublie peut-être aussi que les touristes qui se respectent dans cette ville ils ont repliés bagages vite fait bien fait pour se tailler en vitesse avant de se faire transformer en steack. Ca leur apprendra à choisir cette ville pourrie au lieu de San Francisco hinhin. Et puis après avoir laissé mon regard parcourir une nouvelle fois la ville, je reprends un peu mon sérieux, les sourcils froncés parce que j'ai un peu le soleil dans la tronche. "Et accessoirement je cherche le reste des troupes." Je me prendrais facilement 20 tours de terrain à faire en courant si mon instructeur s'était soudainement pointé au bout de cette rue et m'avait surpris assis sur cette barrière à bronzer tranquillement à côté d'un civil marrant. Mais ce sale con n'est pas là, et puis pour une fois que je croise quelqu'un qui n'a pas envie de me croquer tout cru, je vais pas m'enfuir en lui expliquant que je dois me dépêcher de chercher une armée fantôme. D'ailleurs, sans vouloir jouer les défaitistes, je me sens obigé de préciser : "Mais elles sont bien cachées." Bon ok, c'est carrément du défaitisme camouflé. Mais j'avoue que ça m'a un peu creuvé de monter cette colline, et ça me gave de courir d'un point à l'autre de la ville sans jamais rien trouver. Alors pour pas me prendre la tête avec cette histoire de cache-cache franchement pas marrant, je lui retourne la question. "Et toi, à part pour soigner ton entrée, qu'est ce qui t'amène dans le coin ?" Je souris à nouveau en repensant à sa dite-entrée et je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'un jour il faudra que j'essaye moi aussi.

Il fronce soudainement les sourcils sans avoir l'air de comprendre lorsque je lui avoue que je suis à la recherche du reste de l'armée de la ville. Je me demande ce qui lui prend, et je me dis que, peut-être, il fait quelque chose ? Peut-être qu'il a appris que l'armée s'est retirée dans les montagnes le temps de se réorganiser et que c'est complètement absurde de chercher mes collègues dans la ville. Ca me ferait chier d'avoir perdu autant de temps à courir en rond comme un idiot - surtout que je ne connais pas le terrain et que je n'arrête pas de me perdre - mais au moins je saurais enfiiin où chercher. Alors je le fixe avec attention lorsqu'enfin il semble capter quelque chose et me sort un pseudo salut militaire. Un court instant, je reste perplexe. Je m'attendais à tout, sauf à ça je dois l'avouer. Mais visiblement, c'est tout ce que j'obtiendrais de lui. Je me suis fait de faux espoirs juste à cause de la tronche qu'il a tiré. Je suis secoué par un petit rire parce que je ne m'y attendait pas et j'ajoute avec un sourire. "Repos soldat."

Et c'est là qu'il parle pour enfin me filer clairement des infos. Bon, la vérité c'est qu'il ne sait rien, mais ça me déprime surtout davantage lorsqu'il affirme que je suis le seul militaire qu'il a croisé depuis des lustres. Bordel mais ils ne se sont quand même pas tous volatilisés ! Une nouvelle fois, je suis sûr le point de m'énerver tout seul en désespérant, mais River continue de parler et m'empêche ainsi de sombrer dans ma déprime quotidienne. Il cherche quelqu'un lui aussi, alors je reste attentif. En fait, il me propose même qu'on cherche ensemble. Voilà une proposition fort intéressante. J'en ai tellement marre de me parler à moi-même que je me fatigue tout seul, ça en devient presque critique. Alors pouvoir discuter avec un vrai bonhomme qui chante aérosmith en plus, là je ne peux carrément pas lui dire non. "Ouais, carrément !" J'ai à peine le temps de sauter sur mes pieds pour récuppérer mes affaires qu'une drôle de musique se met à résonner. Je relève aussitôt la tête en inspectant les alentours, les sourcils froncés. Qui est l'abruti qui a eu la brillante idée de mettre de la musique aussi fort alors que les zombies convergent vers le bruit ? Je jette mon sac sur mon dos et j'attrape aussitôt mon fusil parce que ça ne me dit rien qui vaille. En vérité, ça sent même le piège à plein nez. D'où mon air un peu dubitatif lorsque je vois River se diriger tout droit vers l'origine du bruit. Je le regarde s'éloigner avec de grands yeux et j'essaye de l'interpeller sans faire trop de bruit moi-même. "Mais qu'est ce que tu fous ?!" Je lui fais un grand geste pour lui faire comprendre qu'il est complètement taré, mais il insiste ce con. Il ne peut pas résister ! En voilà une bonne ! Saleté de civil sans cervelle ! Heureusement que je me sens l'âme héroïque aujourd'hui, alors je me jette dans le piège avec lui, parce qu'il le vaut bien. On s'approche le plus discrètement possible et je ne prends du coup même plus le temps de me demander qui est-ce que River peut bien chercher dans ce merdier. Sa femme ? De la famille ? Un ami ? Tout le monde a été séparé dans le chaos. Mais je n'ai pas le temps de m'interroger davantage. Un gros bruit retentit à quelques pas de moi sans que je ne parvienne à identifier ce qui se cache dans les buissons. Je sursaute pour faire volte-face vers la source du nouveau problème et je m'éloigne doucement sans perdre les buissons de vue. Je me retiens de tirer de manière préventive pour éviter de gâcher une balle pour rien et surtout pour éviter d'attirer tous les zombies du coin avec le bruit de la détonation. J'espère juste que je ne le regretterai pas. "Ca craint trop par là, faut se casser d'ici vite fait River ! Et en mode super ninja de l'ombre, le truc est genre touuut proche.." Je murmure à peine entre mes dents en le poussant un peu pour qu'il s'éloigne avec moi. On aurait l'air bien con si c'est un animal qui nous saute dessus sans qu'on s'y attende. Alors même si je n'ai pas passé mon permis de chasse, je reste prêt à tirer au cas où la chose non-identifiée se décide à sortir de sa cachette. Cette journée a soudainement pris une tournure bien étrange et je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'oeil suspicieux à River. Tout allait bien avant qu'il ne débarque. Est-ce que le prix de la conversation c'est de me balader avec un aimant à problème ? Bah, ça m'est égal, je préfère encore me battre à mains nues avec un puma plutôt que de rester seul une journée de plus. Lorsqu'enfin nous nous sommes éloignés de l'endroit maudit, je me tourne à nouveau vers River en m'autorisant à reparler sans risquer d'attirer le danger. "Juste par curiosité, ça arrive souvent dans cette ville les musiques étranges qui se mettent à jouer toutes seules en attirant un dragon des buissons par la même occasion ?" Non je ne dramatise pas. Je regrette juste mon moment tranquille sur la barrière de la colline. Et puis finalement je laisse mon fusil glisser sur mon épaule puisque le danger semble passé et je reprends mon interrogation. "En fait, tu m'as bien dit que tu cherchais quelqu'un toi aussi ? C'est qui ?" Voilà, désormais liés comme des frères d'armes par notre aventure commune face à la créature monstrueuse de la colline, je décide de faire un bout de chemin avec lui et de l'aider si possible à retrouver celle ou celui qu'il a perdu dans cette ville de la mort.

Il ricane quand je l'interroge à propos du dragon, mais moi je trouve ça super dangereux ! J'ouvre de grands yeux en gardant un air tout à fait sérieux lorsqu'il me répond, mais soudainement mon visage s'éclaire. Ce que je retiens de toute cette connerie, c'est qu'il y a un sauna. Ah ! Cette ville n'est peut-être pas aussi pourrie que je le pensais ! Pourtant je n'ai pas le temps de lui demander l'adresse, River enchaîne en avouant son étonnement quand à l'origine du son. Je hausse les épaules et je réponds d'une phrase sur un ton un peu détaché. "La curiosité est un vilain défaut." Comme il l'a si bien dit lui même, ça aurait pu être un piège, et ce beau proverbe que je ne respecte la plupart du temps pas moi-même pourrait bien nous avoir sauvé la vie pour cette fois. Perso je me trouve suffisamment dans la merde pour continuer à m'engluer volontairement dedans. J'en ai déjà ras-le-cul d'en chier pour continuer dans ce champ lexical si poétique.

Et puis finalement nous changeons de sujet. Il m'apprend qu'il cherche un grand rouquin maladroit aux cheveux longs et qui répond au nom de William. Je m'arrête brusquement et j'ouvre de grands yeux. Ca c'est drôle ! Je viens de quitter le sosie du mec qu'il cherche ! Je suis sur le point de l'informer que son pote à un double dans la ville, quand soudain il se casse lamentablement la gueule par terre. Ah ma parole, il n'y a aucun citoyen qui sait marcher correctement dans cette ville ! Je hausse un sourcil et je m'approche doucement. "Ca va mec ?" Je suis à deux doigts de me foutre de sa gueule, mais soudain il se tourne vers moi en brandissant un truc. J'ai un mouvement de recul avant d'identifier la chose, et je comprends son air d'ahuri heureux. Quelqu'un a fait tomber une trousse à pharmacie sur le bord de la route. Ils sont vraiment cons ces gens ici bordel. Enfin au moins ça fait un heureux. Il me propose gentillement de me servir même, mais je secoue la tête en lui désignant mon sac à dos d'un geste. "T'inquiète je suis déjà équipé. Garde ça pour ta prochaine gamelle, tu en auras peut-être besoin." Je ricane doucement, et puis je me rappelle de reprendre le sujet là où on l'a laissé.

"Au fait il est maladroit à quel point ton pote là ? Parce que j'ai croisé un rouquin qui s'appelle William y'a pas longtemps, il m'est tombé trois fois dessus dans la même journée." Bon, je ne précise pas qu'il y a une fois c'est plutôt moi qui me suis pris les pieds dans des fils électriques, il n'a pas besoin de le savoir. Mais je repense à cette douce journée avec un sourire amusé. "C'est con, j'étais avec lui pas plus tard qu'hier. Il cherche aussi des potes, du coup il a pas voulu venir." Je fronce les sourcils alors que j'essaye de me souvenir de notre conversation de la veille. "Hum.. Il m'a parlé d'un certain....Aa...Alex, je crois.." Je relève la tête vers lui en haussant un sourcil, pour voir si ça dit quelque chose à mon nouveau collègue de galère.