Sous-sols - La morgue - Semaine 1, Jours 1 à 3
Lun 24 Fév - 14:49
Avant l'épidémieJohn n'avait pas compris ce qu'il s'était passé les deux jours précédents. Il avait appris la mort de deux patients atteints de cancer, mais on n'avait pas fait appel à lui pour les diriger à la morgue. Qu'est-ce que les médecins manigançaient ? Ce n'était pas normal.
Jour 1La matinée avait commencé comme une autre, ou presque ... Quelque chose dans l'air qui vous fait dire que la journée ne sera pas aussi ordinaire que d'habitude. Cela avait-il un rapport avec les incidents des jours précédents ?
Moment de panique dans les couloirs de l'hôpital. Des cris, des gens qui courent et puis ces ... malades, ces cinglés qui sautaient sur les autres et leur arrachaient la chair à pleines dents !
Quand il avait vu ces choses bouger, s'attaquer aux "vivants", il avait rejoint son lieu de travail, au milieu de ses morts qu'il connaissait bien. Ce n'était pas pour se cacher. S'il avait voulu fuir cela, il aurait cherché comme d'autres à s'échapper dehors. Non, au contraire, il voulait rester sur place pour ... étudier ... ces spécimens.
Jour 2Travaillant dans l'hôpital depuis un certain temps, il en connaissait les moindres recoins. Le lendemain, il était sorti plusieurs fois de sa froide planque pour observer au plus près mais à distance raisonnable les allers et venues de ces morts qui marchaient. A plusieurs reprises, il avait manqué de tomber nez à nez avec l'un d'entre eux ou avec quelques vivants qui tentaient, eux, de s'équiper et de s'enfuir. Ces derniers, forts bruyants et remuants attiraient à chaque fois les prédateurs à leurs trousses, permettant à John de rejoindre sa planque en douceur et silence. Au fil des heures, la curiosité avait fait place à une sorte de fascination.
Sur son petit poste radio, il entendit les nouvelles de l'extérieur. La mise en quarantaine de l'hôpital, l'intervention de l'armée, la description de ce qu'ils appelaient des "morts vivants" ou "zombies".
Soudain, un bruit proche l'interpella, il coupa le son. Il se rapprocha des hublots des portes d'accès et jeta un oeil sur le couloir extérieur et s'assura que personne ne pouvait entrer.
Encore un bruit sourd, le même, toujours aussi proche, très proche.
Il regarda en arrière. Derrière lui, plusieurs compartiments : les caissons individuels où étaient entreposés les morts avant autopsie ou envoi aux services mortuaires. Ca avait bougé dans l'un d'entre eux.
Il se rapprocha lentement pour identifier le bon caisson. Celui là. Il savait qui y résidait. Une quinqua qui avait succombé à un cancer du sein en phase terminale malgré les nouveaux traitements dont plusieurs médecins avaient loué les résultats en laboratoire sur des rats, de ce qu'il en avait entendu parler à la cantine. Par prudence, il s'arma du scalpel qu'il avait récupéré lors d'une précédente visite au dessus, agrippa la poignée, tira dessus et ouvrit en grand. Il vit son pied, étiquette avec le nom accrochée au gros orteil. Le pied s'agitait en tous sens, la femme avait du mal à s'extirper en cet espace confiné, à l'horizontal. Avec calme, il recula jusqu'au mur et attendit patiemment. La morte mit plusieurs minutes par soubresauts à s'extirper de son caisson dans une gesticulation désordonnée qui aurait pu faire rire. Un dernier sursaut et elle s'extraya complètement, s'étalant sur le marbre froid de la morgue. John n'avait toujours pas bougé. Avec difficultés, la morte seulement vêtue seulement d'une blouse blanche se redressa. Elle émit de petits gémissements, déambulant à petits pas dans la salle, errant à la recherche d'on ne sait quoi.
John était toujours immobile, calme, serein, le pouls légèrement surexcité par cette expérience. Elle sembla prendre conscience de sa présence et tourna la tête en sa direction. A petits pas, elle se rapprocha. A mi-distance, elle s'arrêta, regardant à droite et à gauche comme ayant un doute sur la situation, l'environnement. L'ignorait-elle ? Il émit un claquement de langue et elle refixa son attention sur lui et avança à nouveau, d'un pas plus marqué et avec des gémissements plus empressés. Il fit des pas de côté pour garder une distance raisonnable. Cette fois, il avait sa pleine attention et elle avançait d'un pas décidé, les lèvres retroussées exhibant sa dentition. Il tourna en rond autour d'un brancard sur roues trônant au milieu de la pièce, s'assurant de le garder entre lui et la morte comme rempart, pour prendre tout le temps de l'observer. Il se rapprocha du lit roulant. Elle aussi, cherchant à l'attrapper de ses bras maigres et cadavériques. Par une petite danse, poussant le lit, il la dirigea contre le mur et la coinça contre. Ainsi prise au piège à la taille, elle montra des signes d'énervements et agita les bras de plus belle.
Il ne pouvait la maintenir éternellement comme cela. Alors, d'un geste rapide et appliqué, il lui planta le scalpel dans le crâne. Son torse s'écroula sur le lit et elle cessa de bouger. Il poussa un soupir ... soupir de déception, il aurait aimé l'étudier quelques instants de plus ...
Il l'épia plusieurs longues minutes. Décidément non, elle ne se relèverait pas. Ce coup au cerveau avait tué tout réflexe moteur et mis une fin définitive à l'être humain qu'elle avait été autrefois.
Il ouvrit tous les autres caissons, du moins ceux qui n'étaient pas vides et inspecta chaque cadavre un à un. De la rupture d'anévrisme au nourrisson mort né en passant par les grands brûlés, un accident de la route et un suicidé au fusil. Aucun n'émit de signe de retour à la vie.
Il retourna au 1er cadavre et entreprit de l'allonger sur le lit roulant. Récupérant dans son placard une blouse, un masque et des gants qu'il enfila, il se mit au travail. Comme il l'avait appris partiellement à l'école et vu faire par des médecins légistes, il autopsia la morte qui s'était relevée. Décomposition avancée de certains organes vitaux, sang encore fluide bien que d'un rouge plus sombre, vieux. Traces d'une masectomie. Rien de plus. Il regretta pour la 1ère fois de n'avoir pas été au bout de ses études.
Jour 2Il patienta 24h, s'attendant à une visite quelconque qui ne vint pas. Il décida qu'il était temps de déménager.
Il prit son sac à dos, y fourra une trousse de premiers soins et tout le grignotage qu'il stockait, de quoi tenir une petite semaine, pas plus. Armé de son scalpel, il débloqua les portes de la salle.
Ascenseurs en panne, il devra emprunter les escaliers pour gagner le rez-de-chaussée.
Un dernier coup d'oeil en arrière, il ne reviendrait plus jamais sur son lieu de travail.