Lily est le genre de type que ta grand-mère pourra qualifier d'original. Et sortant de sa bouche à dentier, cela n'a rien d'un compliment. Décoloration à outrance, tatouages insensés, pilosité négligée, tenue vestimentaire dépareillée. Il est l'archétype de ma progéniture. Celle qui c'est offerte à moi et s'y complait. Un negro de base, qui fait changer ta vieille de trottoir. Avec son afro sous la machoire, son regard abruti, ce sourire découvrant son grillz. Sa dégaine te dérange et il t'emmerde, graillonne, se gratte les couilles et déplace son lourd gabarit en clopinant sans douleurs. Voilà que ton aïeul l'incrimine déjà, alors qu'il n'a pas encore ouvert sa gueule. Qu'il n'a pas encore aboyé des insultes sur lesquelles elle s'attardera, curieuse ; qu'il n'a pas encore chier sur le Bescherelle, se contentant de deux-trois lyrics de la FM.

Mais ne te méprends pas, Bob est un type cool. Il doit avoir tatoué quelque part près de l'aisselle une de ces phrases à la con que le tatoueur réalise à la pelle : Life is a Joke. Je n'irais pas dire que dans son cas c'est légitime, mais en tout cas il fait tout pour s'en persuader. Bon délire, il se plait à rire de tout, se moquer d'un rien. Et il a ce talent à ne voir que le bon côté. C'est d'ailleurs cette naïveté qui le fit tomber, ce bon Lily, dans mon vice. Je sais, Lily, Bob, t'es un peu perdu. C'est pourtant simple Lily est le nom du gamin qu'il fut ; Bob, c'est le nom du bon à rien que j'ai créée. Et moi qui je suis ? Je suis l'amour de sa vie et de million d'autres : mourants, vedettes, dépressifs, femmes enceinte. Je suis ce qui égaye la vie, avant de la détruire. L'infernale, la sublime. Je suis l'Addiction. Les bons jours Bob m'appelle Marie, je remplace le marchand de sable et le psychologue. Les mauvais, je me nomme Crack et il me supplie de remplacer la défenestration. Il sait tout de moi, m'adule autant qu'il me méprise, mais je porte bien mon nom, donc il ne peut se passer de moi. Tu te penses plus fort que moi ? Touches à sa dope.

Oui, le type est cool. Mais bordel ce que son passé est chiant. Il a grandi sans présence parentale, quelques éducateurs tout au plus. Mais attention, il n'a jamais subi de sévices. Outre celles qui c'est infligées à lui-même. A huit ans il foutait en l'air son ActionMan préféré, son camarade de chambre voulait joué avec : stupide. A onze ans il foutait en l'air son tibia en voulant fuguer, sa chambre était au deuxième étage : stupide. A treize, il foutait en l'air ses neurones avec son premier joint : malin. A quinze il foutait en l'air sa virginité avec une prostitué, 25 ans de métier, huitième heure de taf : stupide. A dix sept il foutait en l'air sa liberté en établissement surveillé, racket de collégiennes : stupide. A vingt et un il foutait en l'air sa vie en travaillant pour la ville, en tant qu'éboueur : stupide. La même année il foutait en l'air son argent dans son premier caillou et on ne parle pas là de diamants : brillant. La suivante il foutait en l'air.. bah rien en fait. Il s'est juste mis au deal, histoire de toujours en avoir sous le coude.

Lily n'a jamais eu de famille à proprement parlé. Non, ne verses pas de larmes. Il s'y est fait. Depuis longtemps. Et contrairement à ce que tu as pu entendre sur les junkies, sa vie sociale n'est pas limité. La preuve il a plein de collègues dealers, encore plus de clients avec qui il partage parfois une pipe. Et que ce soit clair, on ne parle pas de relations sexuelles, dégueulasse. Non, pour dire vrai, Lily n'a personne pour qui s'inquiéter.

Bob a passé sa vie à essayer de la foutre en l'air. Tu penses vraiment que c'est quelques milliers de revenants bouffeur de chair envahissant toute la ville rendant inutile les forces militaires elles-mêmes qui vont y arriver ? Ok. Il va y passer. Mais pas tout de suite. Il a toujours vécu dans la merde, contraint de se contenter de coup bas. Il devra simplement apprendre à courir plus vite.

Depuis la zombification du quartier ? Et bien.. Premièrement et comme tout le monde, il s'est chié dessus. Si si, la première fois qu'il a vue une de ces créatures plonger à la jugulaire de son P2 - jargon de drogué -, il s'est fait dessus, littéralement. Il a tenté l'isolement, se terrant dans une décharge qu'il appelait maison. Et c'est là que j'entre en scène, moi, l'addiction. La drogue ou sa vie ? Mais qu'est-ce que sa vie sans drogue ?
Qui aurait cru qu'une invasion de zombie le propulserai au rang de dernier dealer d'Oakland ?

Merci à vous tous.
Au plaisir de croiser la plume, un de ces quatre.