Semaine 06 - Jour 02

L'atmosphère ne se prêtait absolument pas au spiritualisme ou tout autre folklore surnaturel. La matinée était douce. Le soleil montant, voilé de cumulus. Et la pelouse encore mouillée par la rosée. Étonnamment l'on percevait encore des chants d'oiseaux au de là des gradins. Une matinée tranquille, comme tu ne dois plus en vivre. Ça doit être plaisant. Mais tout cela sonne faux ; le stade est vide. Du sang et quelques membres décomposés souillent le terrain de leur couleur pourpre, mais aucun corps à l'horizon. Ni vivants, ni morts. Seule, au centre du stade, une femme. A ses pieds, des signes. Plus proches du hiéroglyphe, que du simple dessin. Couverte d'une guenille, le visage dans l'ombre de sa longue capuche. Elle te regarde. Que tu  l'ais remarqué ou non, elle te regarde, Alisha. Elle te fixe et fait danser ses bras dans ta direction. Mystique et envoûtante, sa voix est portée par la brise. Un chant impénétrable brisant le silence.

J'avais entendu des coups de feu et avais donc décidé de m'en éloigner, pas assez folle pour filer droit dans la gueule du loup. Que ce soit des zombies ou ces foutus militaires qui tuaient même ceux encore humains et vivants. C'était donc un peu sans faire gaffe que j'allais vers l'université. Une fois devant les grandes portes à moitié défoncées, ça m'enchantait plus vraiment d'y rentrer. Alors j'ai fais le tour et me suis retrouvée à l'entrée du terrain de football. Je passe par les gradins et marche d'un pas tranquille, le silence seulement troublé par le chant des oiseaux. Étonnant qu'ils ne se soient pas fait la malle ceux là. Ci et là se trouvent des membres restant et l'herbe est tâchée par le sang séché.

Alors que j'allais faire demi tour pour trouver un autre endroit moins à découvert, je vois une femme au milieu du terrain. Apparemment, elle m'a repéré depuis un moment parce qu'elle me fixe en parlant tout bas. Je sors alors mon couteau à cran d'arrêt et l'ouvre. Prête à riposter si besoin est. Je descends lentement en la regardant avec méfiance avant de lui parler.

-Vous allez bien? Vous êtes qui?

Si elle répond, c'est déjà qu'elle est encore humaine. Mais qui me dit que c'est pas une folle..?

Je continues de la regarder. C'est presque envoutant et je sais pas ce qu'elle me veut, pourtant je descends. J'en prends conscience quand j'ai passé presque la moitié du gradin. Puis m'arrête. Merde, c'est pas sérieux, je devrais faire gaffe quand même là. Qui me dit qu'elle veut pas me tuer une fois près d'elle.

Un regard à gauche, un à droite. Je fais le tour du stade des yeux et serre un peu plus mes doigts autour du manche de mon couteau. Personne. Juste elle et moi. Bizarre. Je continues donc de descendre et pose un premier pied dans l'herbe. Puis le second. Rien. Un soupir quitte mes lèvres et je marches d'un pas décidé vers elle, mais m'arrête en voyant le cercle juste devant mes pompes.

-C'est quoi ça...

Je lèves les yeux vers la femme encapuchonnée, penchant un peu la tête pour tenter de l'apercevoir. Essayant de détailler un trait que je vois pas. Tsss, fais chier, je dois venir plus près encore. Pas question.

-Vous êtes qui ?

Oui je demande encore, elle va bien finir par me répondre. Ou alors, je pourrais l'abandonner ici. Ouais, je devrais peut être même..

J'peux enfin voir son visage et j'sens même cette douce odeur mélangée à celle de la crasse des vêtements. Je fronce un peu le nez et détaille un peu plus les dessins sur le sol. Avant de relever un peu brusquement la tête lorsqu'elle daigne enfin me répondre. M'asseoir ? Elle s'est crue où celle là.. A un pique nique ?

Je soupire et finis pourtant par poser mes fesses sur l'herbe, toujours à l'extérieur de son cercle là. Puis je garde toujours mon couteau bien serré dans mon poing en surveillant les alentours, l'autre main sur une des bretelles de mon sac à dos. M'appeler pipelette alors que j'étais pas du genre bavarde de base me donnait encore moins envie de décrocher un mot. Alors pour la peine, je parlais pas.

Après un tour d'horizon pour être sure qu'on était seule, pour le moment en tout cas, je regardais de nouveau la vaudou en face de moi. Bon, elle allait me dire ce qu'elle foutait là et ce qu'elle me voulait maintenant ? C'était pas tout ça, mais j'avais très envie de partir de cet endroit bien trop à découvert. Et même si y avait déjà eu du passage, les zombies étaient pas assez intelligent pour penser à changer d'endroit lorsqu'il n'y avait plus de "nourriture".

J'attendais. Qu'est ce que je pouvais faire de plus toute façon.. La fixant et la détaillant un peu, sans bouger de la place où je m'étais assise. Et puis j'haussais les sourcils en entendant sa question. Lire mon avenir ? C'était juste une diseuse de bonne aventure ou une voyante sérieuse ? Enfin, dans l'fond ça m'était égal vu que j'y croyais pas..

Elle sembla s'impatienter et je regardais sa main tendu vers moi. Paume vers le haut. Je frottais mon poignet par mécanisme, j'aimais pas tellement les montrer et tirais donc un peu sur ma manche. Avant de poser ma main dans le même sens que la sienne dans celle de la femme.

-Allez y.

J'y croyais pas, mais j'étais un peu curieuse de ce qu'elle pourrait me sortir comme conneries.. Puis, j'apprendrais peut être ce qu'elle foutait là, seule en plein milieu d'un terrain de foot.

J'ai beau rester prudente et la surveiller toujours, je m'attends pas à la morsure qu'elle m'inflige. Je me relève d'un bond, la main en sang.

-Ca va pas, 'spèce de folle !!

Et encore, je restais polie. Qu'est ce qui lui passait par la tête pour me croquer comme ça sans raison ! Et en plus oser dire que j'étais.. goulue ? goûtue ? Putain c'était quoi ces conneries ! Je pointais mon couteau vers elle, prête à lui sauter dessus s'il fallait.

-Maint'nant dis moi c'que tu veux ! Ou j'te découpe sans chercher à comprendre !

Je presse ma main ensanglantée contre ma hanche pour tenter d'arrêter le sang comme je peux. Merde, j'peux même pas mettre un bandage tant que j'sais pas ce qu'elle va m'faire. Je fais quand même un pas en arrière par précaution.

Je rêve là ? Hein ? Ca peut être que ça. Me demander, à moi, d'allumer un feu pour ME cuire !! Elle était plus que cinglé cette bonne femme. Hors de question que je la laisse faire, c'était évident ! Et toujours a rester dans son foutu cercle..

Je fais un pas en arrière, la fixant froidement, remarquant bien qu'elle avait beau bouger le reste du corps, elle ne bougeait pas ses pieds.

-J'vais pas me laisser bouffer sans rien dire. Votre espèce de voyance en me mordant la main, c'est merdique. J'crois pas à ce genre de choses toute façon.

Non je ne cherchais pas spécialement d'excuses pour avoir tendu la main. Mais c'était de la curiosité, pas de la croyance au départ. Je pouvais quand même pas lui sauter dessus et l'égorger. Déjà ça tâcherait mes vêtements un peu plus que le faisait ma main ensanglanté, mais en plus c'était pas tellement mon genre.. Quoi que là..

Puis, j'eus une idée. J'approchais un peu de nouveau et levait une jambe. Venant donner un coup assez violent, de toutes mes forces, du plat de ma chaussure dans son abdomen pour la faire tomber. Avec un peu de chance, en dehors de son cercle.

Merde, je l'avais vraiment touché de justesse sur ce coup là. La douleur à ma main prenait un peu trop d'espace dans mon esprit et j'avais mal visé mon coup. Un peu trop sur le côté, j'espérais bien la virer de son cercle quand même.

Je reposais ensuite mon pied sur le sol en reculant d'un pas, retenant une grimace de douleur sur ma main qui saignait encore.