Les récents évènements ont été trop violents. Etouffé par le chagrin, accablé par le désespoir, j'ai éprouvé le besoin de passer un moment seul avec moi-même. Je sais que les autres se font du soucis, mais je leur ai promis de ne pas prendre de risques. Je m'interdis de songer un seul instant à l'option du suicide, sachant à quel point l'offre pourrait me paraître séduisante parfois. Alors je me suis contenté de errer dans les rues, aussi discret qu'un ninja, profitant de l'air frais de l'extérieur pour remplir mes poumons d'un oxygène salvateur au milieu du parc.

D'ailleurs, je réalise tout juste que je suis dans un parc. Jusque là, je me contentais de fixer bêtement le sol en marchant avec un petit sourire en coin un peu bête, bercé par les souvenirs anté-apocalyptiques. Je sais que le retour à la réalité sera difficile - comme toujours - mais pour le moment, j'éprouve un besoin vital de me permettre cette évasion timide.

Alors que je relève doucement la tête pour constater où est-ce que mes pas m'ont mené, je pousse un léger soupir en reconnaissant l'endroit où j'ai rencontré William et Rose pour la première fois. Je me souviens avec un sourire comment nous nous étions servis du jeu pour enfant comme d'une forteresse pour protéger l'enfant. Les cadavres sont même encore là...

Sans m'attarder à l'endroit pour empêcher ces souvenirs récents de devenir trop douloureux, je dépasse la pseudo-forteresse et continue mon chemin. Mon errance me conduit jusqu'aux portes de la petite église du coin. J'hésite un instant devant le bâtiment. Je n'ai jamais cru en toutes ces choses, mais au point où on en est, c'est sans doute un bon endroit pour adresser mes au-revoirs à ceux qui ne m'en ont pas laissé le temps. Alors d'un pas tranquille, j'avance d'un air serein vers les portes de la bâtisse. Maintenant que je n'ai plus de larmes pour continuer à pleurer, la tristesse est passée. Décidé à mettre fin à mon deuil aujourd'hui pour continuer à avancer avec les vivants demain je pousse les portes....

....Et je me fais agresser. Brutalement sortit de ma morosité, je redresse la tête d'un air surpris et presque apeuré, cherchant l'origine de la voix. Putin de merde mon coeur manque un battement, je sursaute et fais un pas en arrière. Quand je repère enfin la fille à la fourchette, je lève immédiatement les mains par réflexe, histoire de me rendre avant qu'elle ne me croit agressif. Je suis à distance raisonnable pour fuir ou attraper mon couteau si elle cherche à me sauter immédiatement dessus. "Wow ! Wow ! Je ne vous veux aucun mal ! Du calme..." Lorsque mon esprit est remis du retour brutal à la réalité, je ne peux m'empêcher d'avoir un petit sourire en coin en réalisant le ridicule de la situation. Allons bon... Je me fais menacer par....une fourchette.. ?! J'hésite un instant, je porte mon regard sur elle, sur la fourchette, encore sur elle. Elle n'a pas l'air rassurée. Nouveau regard sur la fourchette. Oui oui, elle est bien en train de me menacer avec ça, je n'hallucine pas. Nouveau regard sur elle, mi-amusé, mi-inquiet - mais surtout amusé. "Vous...euh... Vous savez vraiment comment vous défendre avec un fourchette... ?" Je la questionne un court instant du regard, véritablement surpris par une telle menace. Et je reprends avant qu'il n'y ai méprise. "Euh.. Je me moque pas hein... C'est.. C'est surprenant. Ca doit être une euh.. une super technique, hein !! Je suis curieux, c'est tout..." Bon, je m'enfonce juste un peu plus. J'avance un peu vers elle, les mains toujours en l'air sans vraiment m'en rendre compte. Soudain les règles de bases me reviennent en mémoire. Est-elle seule ou en groupe ? Il s'agit peut-être d'un guet apens... Pire : est-elle mordue ? Hors de question d'achever un autre être-humain avant un certain temps pour moi... Alors, après avoir jeter un bref regard sur l'intérieur de l'église, je pose à nouveau mon regard sur elle en fronçant les sourcils d'étonnement : "Vous êtes seule ?" Mais je reste méfiant : désormais remis du choc du début de l'épidémie, les gens mentent pour survivre.

La pauvre fille m'avoue ne pas avoir eu le luxe de choisir son arme la première fois qu'elle avait du faire face au drame, et je ne peux m'empêcher de lui adresser une moue compatissante. On a tous été surpris par ce cauchemard complètement fou qui ne semblait décidement pas vouloir s'arrêter.

Puis dans la foulée, elle m'avoue être seule. Si je n'avais pas perdu toute trace de naïveté ces derniers temps, j'aurais presque dit qu'elle venait d'être totalement honnête sans se poser de question. Je décide donc de la croire, sans pour autant baisser ma garde. Néanmoins, sa détresse est visible lorsqu'elle m'interroge à propos de ses amis perdus. J'ai vu beaucoup de monde et beaucoup de choses ses derniers temps, mais rien qui ne semble correspondre. Je balance la tête de gauche à droite dans un mouvement négatif pour lui répondre avec une moue désolée. "Non, désolé..." Je suis presque déçu de ne pas pouvoir lui répondre autre chose... Son air jeune et sa petite silouhette lui donne un air si fragile que ma méfiance vacille déjà. Je l'imagine seule et terrifiée là dehors, et mon coeur se brise d'avance. Je ne veux plus une seule victime de cette épidémie. Même si je dois en mourir, je préfère venir en aide aux inconnnus en détresse plutôt que d'être le seul debout pour compter les morts-morts à la fin...

Alors je m'approche un peu, doucement, et je lui parle de la voix la plus apaisante dont je suis actuellement capable. "Et comment tu t'en sors alors ? C'est pas facile de survivre tout seul dans ce merdier..." Je soupire et m'efforce de ne pas mettre de souvenirs sur me paroles. Je préfère m'intéresser à la vivante qui me fait face. Finalement, je décide de faire tomber les barrières des étrangers, et je lui tends une main timide en souriant doucement. "Moi c'est Alexander. Et t'en fais pas, ma politique c'est l'entraide. Faut se serrer les coudes entre survivants, ou on va tous finir en tartare." J'esquisse un petit sourire à la suite de cette belle métaphore culinaire, mais la prédiction reste plutôt triste pour l'avenir tout de même. J'ose donc espérer être en mesure d'apporter un peu de réconfort à la pauvre étudiante égarée.

Vous trouvez une grande croix de metal, de quoi briser des crânes mais malheureusement plutôt encombrante du à une forme pas très pratique. Libre à vous de décrire dans quelles circonstances vous tombez sur l'arme.

(La prochaine fois, n'oublie pas de faire un jet d'Observation

Kaitlynn comprenait très bien le besoin impérieux qu’avait eu Alex de s’éloigner, pour méditer les évènements des jours précédents. Ce n’était jamais une bonne idée quand l’un des leur s’en allait, elle en avait eu l’amer exemple en revenant d’une virée à l’hôpital… Rose était partie vers un monde meilleur pendant qu’elle était absente… Absente. Elle s’en voulait de l’avoir été, mais est-ce que cela aurait changé beaucoup de chose ? Personne ne pouvait le dire, pas même elle. Ca faisait un petit moment qu’il était parti maintenant. Le petit groupe qu’ils constituaient devait rester souder pour avancer et survivre. La jeune femme ne tenait plus en place, aussi dit-elle à William, tout en se levant.

« Je vais le chercher. Tu viens ? »

Elle attendit sa réponse, négative ou pas, puis elle fila dans la direction qu’avait prise le jeune homme, cuisinier de profession, survivant désormais, au même titre que le roux et la brune. Kaitlynn voulait à tout prix éviter de le retrouver plus tard, marchant parmi les morts revenus. Elle le sentait inattentif, trop pensif pour être conscient des dangers de son environnement. Est-ce qu’elle se transformait en mère poule ? Qu’est-ce qui lui prenait ? Il était assez grand pour se débrouiller seul non ? Est-ce qu’elle était responsable de sa vie ? Pas plus qu’il ne l’était de la sienne. Mais après ce qu’ils avaient vécu, n’était-il pas normal de prendre soin des uns et des autres ? C’était dans ce genre débat intérieur profond que l’ancienne pompière se retrouva dans le parc, à peu près à l’endroit où elle avait retrouvé les deux larrons quelques jours plus tôt, lesquels étaient encore accompagnés par la petite Rose.

Kait’ était consciente que la gamine était partie il y a moins de quarante-huit heures, aussi essayait-elle de ne pas brusquer William. Mais le faire marcher, dans un but précis, celui de retrouver Alex, était une façon de lui changer les idées. Il devait en avoir besoin, et perdre un enfant, même dans ce bordel, devait être une épreuve insurmontable. Les amis étaient donc là pour ça. Kait était minée de l’intérieur, mais elle avait décidé, en se levant toute à l’heure, qu’elle serait forte pour ces deux gaziers là. Elle leur devait bien ça, non ?

L’église qui se dessina rapidement devant eux semblait être un choix judicieux pour y retrouver Alex. Kaitlynn ne savait pas s’il était croyant, ne lui ayant jamais posé la question. Mais le lieu était propice au recueillement, qu’importe si on croyait en une instance supérieure ou quoique ce fut d’autre. Avec une prudence toute relative, la brune pénétra dans la bâtisse, découvrant alors celui qu’elle était venue chercher, accompagnée d’une autre personne.

« Tout va bien ici, demanda-t-elle en faisant quelque pas, la hache anti incendie dans sa main gauche, dont le tranchant était orienté vers le sol. »

Il est facile de lire l'inquiétude qui rôde sur le visage de la pauvre étudiante à la recherche de ses amis. Une inquiétude plus que légitime. Rien qu'en m'imaginant une seconde à sa place, je sens l'effroi me prendre. Il me serait tout bonnement impossible de continuer dans ce monde de fou sans Kaitlynn et William à mes côtés. Je pose un regard à la fois triste et compatissant sur mon interlocutrice, en me demandant si c'est ce qu'elle ressent en ce moment même. Mais elle ne se laisse pas abattre et elle me réponds même avec une petite pointe d'humour. Noir, l'humour. Mais ça encore, c'est légitime.

Deux jours que cette pauvre petite erre toute seule. Je ne peux pas m'empêcher de l'imaginer grelottant seule dans un coin sombre pendant les nuits froides et cruelles, trop inquiète pour sentir la faim. Alors une fois les présentations faites, je me sens déjà un peu plus proche d'elle. Le son de son rire bref chasse mes mauvais souvenirs et mes traits se détendent légèrement. Je note un drôle d'accent quand elle se présente à son tour, c'est peut-être une touriste ? Ou une étudiante ? Elle a bien choisi sa destination la pauvre... Elle devait regretter bien amèrement de ne pas avoir choisi New-York, Miami ou Las Vegas comme tout le monde... A mon tour je ne peux m'empêcher d'échapper un petit rire lorsqu'elle me soupçonne amicalement d'être un psycopathe. Cependant, mon sourire s'efface bien vite. Elle l'ignore mais dans le fond, elle n'a pas vraiment tort. Je ne suis pas au top depuis les derniers jours, même si ça n'était pas au point de péter complètement un plomb en me jettant sur tout ce qui bouge....pas encore.

Un nouveau sourire rassurant me fend les lèves quand elle affirme d'elle-même qu'elle sera la cause d'ennuis à venir. A ce stade, plus rien ne me fait peur. Mais c'est vrai qu'il est tentant de se moquer de son réflexe de survie : attraper une fourchette en guise d'arme face à une invasion de contaminés zombifiés ?! Il ne fallait pas avoir vu 136 fois Resident Evil pour savoir qu'il existait des armes tout de même un chouilla plus efficaces...

Mais comme si elle avait lu dans mes pensées, elle s'approche du comptoir et décroche la croix accrochée au mur pour finalement la brandir devant elle comme en un signe victorieux. Un nouveau sourire en coin étire mes lèvres un instant, et je lève les yeux et les mains vers le ciel en déclarant d'une voix solennelle : "Hallelujah." S'il existait vraiment un Dieu pour veiller sur ce triste monde, il était de toute façon visiblement en RTT, alors on pouvait bien lui emprunter un peu de déco pour se défendre soi-même en attendant son retour des Bahamas.

Cependant, alors que j'étais sur le point de me lancer à nouveau depuis un certain temps dans la pratique de l'humour décontracté, un bruit me stoppa net dans cette vénérable entreprise. Le sourire disparu brutalement de mon visage pour laisser place à une inquiétude franche. La nervosité n'était jamais bien loin, une amie qui commençait à se faire fidèle. Les muscles tendus, je me glisse derrière un pilier en glissant discrètement la main jusqu'à mon couteau, prêt à me défendre. Je pousse un soupir de soulagement en levant les yeux au ciel quand je réalise qu'il s'agit de Kaitlynn et de William.

Kait' aussi à l'air nerveuse, mais Will' la rejoint rapidement, comme pour l'épauler. Je sors de ma pseudo-cachette pour aller à leur rencontre avec mince sourire sur les lèvres. Malgré la fatigue et la tristesse qui se lit aisément sur nos traits éprouvés, je ne peux m'empêcher de leur présenter Murakami. Voilà qui changerait les idées de tout le monde. "Tout va bien." Je confirme d'une voix douce, et me tourne vers la jeune étudiante en réalisant que je n'ai pas encore mentionné que je n'étais pas seul. Pour ne pas qu'elle prenne peur - surtout face à Kait' qui ne se rend pas très chaleureuse à grand renfort de hache -, je m'empresse de lui expliquer. "Ne t'inquiète pas Murakami, ils sont avec moi." Je me tourne à nouveau vers mes compagnons pour leur révéler la triste situation de cette nouvelle rencontre. "Je viens de la rencontrer, elle se débrouille toute seule depuis deux jours." Je n'ai pas besoin d'en dire davantage, mon regard parle pour moi. Et puis, plus on est, plus on sera en sécurité, non ?

« Oh. »

Tout simplement, oui. Kaitlynn n’ajouta rien, considérant la jeune femme d’un œil critique et sévère. Alexander connaissait cette donzelle depuis quelques minutes à peine et elle voyait déjà dans son regard qu’il était prêt à la prendre dans le groupe. La jeune femme ne pouvait pas lui en vouloir, car s’il ne s’était pas montré ouvert d’esprit comme à l’heure actuelle, au moment de leur rencontre hasardeuse, elle n’aurait pas rencontré quelqu’un de formidable comme lui. Alors qu’est-ce qui la gênait dans cette histoire ? Le fait que ce soit une autre femme ? Peut-être… Peut-être pas. Kait’ avait toujours été la seule femme dans un univers d’homme. La caserne ne comptait pas d’autres soldates du feu comme elle, et sa fratrie était composée de grands frères, si bien qu’elle n’avait jamais vraiment eu de présence féminine dans les pattes depuis son plus jeune âge. Même au collège et au lycée, la brune n’avait jamais vraiment fréquenté les autres nénettes de sa classe ou de son bahut.

Ou alors était-ce parce qu’elle était bridée ? Des relents de Pearl Harbor ou du Vietnam ? Cette pensée saugrenue fit sourire bien malgré elle Kaitlynn qui secoua la tête comme pour chasser sa connerie. Elle n’était pas plus patriotique que ça, et ces bêtises appartenaient au passé. En plus de ça, la jeune femme n’avait jamais fait montre de racisme envers quiconque. D’ailleurs, elle était plutôt mal placée, avec ses origines hispaniques pas si lointaines que ça. Le rictus faisant office de sourire sur le faciès fermé de Kaitlynn eut le mérite de la dérider. Finalement, elle s’avança vers la « nouvelle » pour lui tendre la main droite, la gauche étant occupée à maintenir l’arme anti incendie en position latente, sans menace.

« Enchantée Mukarami. Moi c’est Kaitlynn, fit-elle avant de bafouiller quelque chose du genre : ahmais euh vous ne vous serrez peut être pas lamain… en version accélérée. »

Kait était crevée, et ça se voyait dans son comportement et son manque flagrant d’assurance soudain, elle qui habituellement était plutôt du genre à emmener les gens à la guerre avec une conviction sans faille. En plus de ça, elle s’était trompée dans la répétition du prénom de la jeune asiatique lui faisant face. Enfin ce genre de chose pouvait arriver, surtout avec des noms prénoms à consonances étrangères. Kaitlynn sera donc la main de la jeune femme, ou la salua à la façon nipponne si jamais Setsuna lui confirmait qu’il fallait faire comme ça, puis elle se tourna vers Alexander, ne sachant plus trop où se mettre après ce moment flagrant de honte dont elle venait de faire preuve.

« Et toi ça va ? »

Elle sous entendait plein de chose par cette question. A lui de répondre comme il le souhaitait.