[Mai 2025] Promenons nous dans les bois, tant qu'le zombie n'y est pas.
Dim 27 Sep - 11:18
« Putain Max, tu me fais CHIER ! »
J’avais une furieuse envie de lui éclater la tête comme il l’avait fait au zombie quelques jours plus tôt. Il passait son temps à me sermonner, comme si j’avais trois ans ! J’étais dans la même merde que lui, depuis autant de temps ! J’avais survécu bien avant qu’il ne vienne me chercher des noises !
« Qu’est-ce que tu veux toi ? »
Henry regardait toujours nos disputes avec son air indéchiffrable, et ça aussi, ça m’énervait. Je les aimais bien, tous les deux à me protéger, mais là ils m’étouffaient. Je me débats encore un instant avec mes lacets, il m’a fallu presque dix minutes pour les faire, et ça ruine un peu ma scène.
« Si tu crois que j’suis pas capable d’aller trouver de la bouffe sans que tu me tiennes par la main, bah tu te fiche le doigt dans l’œil… JUSQU’AU COUDE. »
La porte ne claque pas derrière moi comme elle aurait dû le faire, elle se faire tout doucement, manquant de me faire tomber dans mon geste de colère. Je me retourne pour lui flanquer un coup de pieds et gémit en pensant à mon ongle qui doit noircir dans ma chaussure.
Trop furieuse pour penser à ma mission initiale, je me jette dans une randonnée en direction du… Nord ? Pas sûre, mais toute à mon émotion, je ne pense pas du tout au retour. Je fonce bille en tête, histoire d’évacuer un peu plus ma colère à chaque pas. Il aura l’air con, Maximilian, quand je reviendrais les bras chargés de victuailles ! Ou alors il me tapera dessus jusqu’à ce que mort s’en suive pour avoir fait l’ado’ rebelle. Cette pensée me fait éclater d’un rire perçant, bien éloigné de celui que j’avais avant de finir dans cet hôpital maudit. Je me stoppe net, plus effrayée par le rire que par les zombies qui menacent d’arriver. Qu’est-ce qui a changé ? Tout ? Je n’en suis pas certaine. Moi ? Surement. En bien ou en mal, là est la question. Je pose une main tremblante sur mes lèvres, les caressant avec timidité, comme pour être certaine qu’elles sont bien miennes. Une énorme crampe me saisit, me plie en deux. Je tombe à genoux, le souffle coupé. Chaque tentative d’inspirer de l’air frais me fait monter un spasme nauséeux. Qu’est-ce qui m’arrive ? Je gémis de douleur avant de rendre mon déjeuner. Ça ne m’était pas arrivé depuis… Keiran. D’un coup, je me relève, un vertige noircit ma vue, mais je m’en fiche, je commence à courir. Vite, vite ! Toujours plus en avant !
Aux maisonnettes se substituent les arbres, et entre leurs silhouettes de bois, je vois des visages fantomatiques. Les branches me fouettent le visage, j’ai l’impression que se sont mille bras qui tente de me saisir. Je tente de pousser un hurlement terrifié, mais comme dans un rêve, je suis muette. Je continue de courir, alors même qu’un feu irradie mes poumons. L’air me manque, je m’écroule d’un coup, le visage dans la terre. Je tousse pour évacuer la douleur qui me ceint, j’ai l’air enragée, folle. Quand je relève la tête, le monde me semble si froid, si étranger que je n’ai plus qu’une chose à faire : appeler Keiran à l’aide. Je pousse de longs hurlements désespérés, jusqu’à ce que je confonde le nom de mon frère et celui de ceux qui ont partagés ma route.
Un bruissement me fait sursauter, je ferme la bouche instinctivement. Il se rapproche, et ma tête se vide. Je recule à quatre pattes, rentre dans un arbre qui entame mon front. Un sang chaud et épais s’écoule paresseusement jusque sur mes paupières. Paniquée, le souffle court, je me relève et détale dans l’autre sens. Le terrain accidenté manque plusieurs fois d’avoir ma peau, mais je continue de filer comme le vent, une terreur insoutenable serrant mes tripes. Je ne m’arrête que pour rendre encore et encore les maigres repars que nous partageons avec Max et Henry. Max et Henry… j’ai l’impression de les avoir quittés depuis des années, et la chaleur de notre repaire me manque. Je regrette tellement de les avoir quittés…
En plus du sang qui macule mon visage, un flot incontrôlé de larmes mange ma face. Je galope de moins en moins vite, finissant par marcher, mon souffle quasi inexistant n’arrive même pas à créer des nuages de vapeur. Je me surprends à gémir sans relâche « quelqu’un… quelqu’un… aidez-moi… ». Je finis par me traîner, la tête tantôt basse, tantôt tournée vers l’arrière pour vérifier qu’aucun zombie ne me suit. Je sursaute tous les mètres, croyant voir une figure familière.
Je heurte un objet si dur qu’il pourrait être un homme, un zombie ou bien un arbre. Entre mes sanglots, le sang séché et la boue, j’arrive à distinguer la forme d’un corps humain. Je m’écroule à ses pieds, la main gauche agrippée à son vêtement. Je me concentre sur ses chaussures pour ne pas voir le monde tourner, avant de gémir une dernière fois « aidez-moi… ». Je m’écroule sans autre forme de procès devant ce qui pourrait être un militaire cinglés, un survivant cinglé ou un zombie.