Le groupe que tu suivais avait pour mission de chercher un abri durable, l’un des plus jeunes, Josh, connaissait par son grand-père l’existence d’une dépendance de chasse dans la forêt d’Huckleberry. Accompagné de quatre autres personnes, l’ensemble du groupe en réalité, vous suivez Josh. Sa démarche hésitante te donne envie de lui hurler dessus, ce gamin ne doit même pas savoir où il va. Il suit un chemin bêtement, mais dans une forêt tu sais pertinemment que tous les chemins se ressemblent, et sans son vieux, le mioche n’allait jamais retrouver cette fichue maison.

            Plus vous marchiez, depuis presque une heure, plus les gens s’impatientez, Josh ne savais plus trop, il avait dû mal à se souvenir, il faut dire que papy avait cassé sa pipe depuis au moins dix ans… Quand il t’a avoué ça, tu as hésité à pousser un hurlement et à le pousser contre un arbre pour le laisser se faire tabasser par les autres qui étaient sur les dents. Mais déjà, tu entrevois une solution qui te ferait passer pour le messie. Au travers des branches, tu fonce vers un panneau. Tu lui murmure férocement qu’il a de la chance, et à entendre le ton de ta voix, le gamin frissonne.

             La réserve botanique, à l’ouest, environs une demi-heure de marche,  habite en effet une bâtisse pour les chasseurs et plus anciennement les bergers. Le groupe se concerta avant de décider que de toute façon, ils n’allaient pas dormir à la belle étoile. Manque de peau, un groupe occupait déjà le coin, et visiblement ils mangeaient des gens. Même toi, quand tu étais affamé, tu n’avais pas cédé à ce genre de folie. Dans un bel ensemble, en voyant les cages contenant des êtres humains, ton groupe a détalé, un avait déjà été attrapé par un colosse au crâne chauve. Dans ta fuite, tu as vu du coin de l’œil la seule fille du groupe se faire transpercer le bras par un harpon et hurler de douleur et de peur. Son sort était fait. Elle s’appelait Sally et avait 16 ans, naïve et blonde. Son pote, un sportif adepte du foot américain, s’est retourné pour faire face et aider sa copine, tu ne sais pas trop ce qui lui ait arrivé.

           Josh galopait à tes côtés, mais vous étiez talonnés par un petit bonhomme rapide et nerveux. Il poussait des glapissements lugubres et déjà ta course ralentissait. Dans un élan de survive, tu saisis une branche et la coince dans les pieds du gosse, qui fait un roulé boulé en hurlant, alors que le cannibale se jette sur lui. Son long cri glaçant te transperce la moelle mais pas le cœur. C’était toi ou lui. Déterminé à fuir, tu cours de plus belle, jusqu’à croiser la route d’un camping-car.

            Furtivement, tu en fais le tour, il s’est crashé contre un arbre, les portes sont fermées, mais à l’avant tu aperçois deux cadavres, morts durant la collision. Tu calle le col de ton pull devant ton nez, pour éviter la puanteur qui va se dégager des corps et ouvre en grand les portes arrières. Personne. Tu fais un petit tour, à la recherche de n’importe quel objet utile, mais le froissement d’un vêtement hors du véhicule te fige. En priant pour ne pas tomber sur un zombie ou un cannibale, tu sors discrètement du camping-car. La jeune femme devant toi est blonde, svelte et à l’air aussi épuisée que toi. Elle a probablement dû courir pour sa vie elle aussi, néanmoins tu ne peux pas te douter qu’elle a fait face aux même ennemis que ton groupe.

              Ton humeur maussade déteint sur ta voix, tu te sens obliger de carrer les épaules, agiter discrètement ton pied-de-biche et ajouter :

En fouillant le camping-car, tu trouves une batte cloutée. Bon courage !

              T’en as ta claque de cette merde, elle peut pas voir qu’elle dérange et se casser ? Avec son canif débile, la blonde pense qu’elle peut te faire face ? Non, Ethan, ne sois pas si sûr de toi… Avant que tu n’envoies une troisième pique agressive, elle pose une question surprenante, un brin agaçante. Le coin gauche de ta bouche se relève, découvrant ta canine et une partie de ta dentition. Le sourire en coin que tu lui sers tend sur la grimace cynique.

              Un sourire féroce te dévore la face quand tu fais référence à la fin atroce qu’a vécu ton petit groupe. Un éclat de voix te fait perdre ton humour flamboyant, tu te fige, évalues la distance. Ils sont loin, mais ça ne va pas durer. La fille panique, tu lui donne un coup d’épaule en passant, histoire qu’elle comprenne qu’elle doit rentrer. S’ils la trouvent dans le coin, cette bande de cinglés bouffeurs d’humains ira me chercher dans mon super abri qui pue le mort.

              Je m’acharne contre la porte, par chance le véhicule est neuf et ni les suspensions ni les portes ne grincent quand je m’acharne comme un idiot. J’obtempère à son ordre, pendant qu’elle profite de sa taille agile pour chercher un outil quelconque. La porte est plus ou moins fermée, mais à la moindre secousse elle ira s’ouvrir, quoi que tu fasses. La blonde a trouvé une batte cloutée, chouette trouvaille mais ça ne bloquera pas la porte. Tu vas devoir sacrifier ton pied de biche pour le moment.

              Tu lui fais signe de verrouiller manuellement les portes, en lui montrant l’habitacle avec les cadavres. Un sale boulot, mais comme c’est toi qui va barricader la porte, c’est un juste échange. Le pied de biche glisse entre les poignées en plastique du coffre et tu tentes de fixer solidement la porte. D’une secousse, tu teste le tout.

              Le tout ne tient guère et en tirant un peu, les cannibales peuvent ouvrir de dix ou quinze centimètres, assez pour vous voir ! Bref, c’est raté, il y a trop de jeu entre les poignées et la barre de métal. Y a plus qu’à espérer que la fermeture manuelle marche. Tu murmures à la jeune femme :

              Y’a plus qu’à espérer qu’ils ne viendront pas, où mal armés…